Critique : un univers de magie blanche


Sabine André-Donnot : un univers de magie blanche

 

La diversité des sculptures et figures aux formes volubiles de la plasticienne Sabine André-Donnot – arbres, personnages, chimères sur pied ou perchées –  manifeste autant une approche syncrétique de mythes animistes ancestraux qu’une fantasmagorie personnelle.

Les compositions jouent avec humour mais révérence de ces détournements dans une jubilation des formes où l’évidence du féminin s’exprime avec énergie et grâce.

Bois flotté d’abord, glané dans les mares, objets choisis parmi l’hétéroclisme des brocantes deviennent êtres de métamorphoses. Mais l’alchimie qui transforme petits paniers, nichoirs à oiseaux, yeux de verre, têtes de poupons, récipients divers, racines d’arbres, cauries, corail jusqu’à des coloquinthes en fétiches fait écho à la capacité de ces derniers dans le passé à incarner le monde de l’invisible. Le travail de la plasticienne apparaît ainsi comme la métaphore concrète d’une transcendance à la racine du sacré et de toute création.

A la différence des fétiches, masques et totems africains, gardiens et passeurs de la culture du groupe dont ils sont issus et référence originelle revendiquée par l’artiste, ses « arbres à fétiches », « humanimals », « obj’êtres » et « tripodes » laissent libre cours à chacun, à leur contact, de se raconter sa propre histoire. Les bras accueillants de nombreux personnages, la représentation fréquente et diverse de la fécondité, la sensualité et la luxuriance des formes et le décalage ludique entre passé et présent expriment cette ouverture. Il s’en dégage une énergie bienveillante, comme un rituel protecteur de magie blanche. Les tripodes à têtes de Janus humaine et animale mêlent sagesse et farce. Leurs faces ne sont pas tournées vers le passé et l’avenir mais vers la complexité des êtres, leur hybridation native dont rend compte la diversité des matériaux mis en œuvre.

Tous les menus objets collectés créent une richesse de détails comme autant d’histoires à tiroirs : colliers de paroles des « arbres à fétiches », inclusions et grigris polysémiques dans les « obj’êtres ».

Ce façonnage à nouveaux frais d’artefacts et d’éléments naturels s’inscrit ainsi dans le passage et la transmission : métissage et dialogue des cultures, entrelacs d’histoires collectives et individuelles, cycles de la nature et imprégnation de la culture par celle-ci avec les tripodes-racines, les corps-tronc d’arbre et les figures totémiques. Une généalogie symbolique ancienne et lointaine remonte jusqu’à nous et se réinvente. Pieds sur terre -il faut regarder de près le travail sur les socles –  et bras levés fédèrent terre et ciel.

Epurées ou au contraire dans l’accumulation, les séries créent un univers multiple et cohérent où lignes de force et formes correspondent au sein de chaque sculpture et entre elles : ouverture des bras en écho discret aux rondeurs d’un panier, verticalité d’un bois et horizontalité d’un nichoir, hanches girondes et tête-panier sphérique, panier-cocon incurvé et œuf en gestation, surface grenue d’une corne et d’un bois, fuselage et sinuosité des branches et des sculptures…

Le choix du blanc pour toutes les sculptures totémiques n’évoque en rien un monochrome abstrait : renvoyant la lumière, le blanc est par nature la couleur de l’échange. Mais cette unité de traitement peut susciter une étrangeté déstabilisante, renforcée par des yeux clos, des dents acérées ou des symboles variés de la mort. Cette impression reste cependant fugace devant l ‘exubérance de la création dans cette revisitation joyeuse des archétypes.

Evelyne Bennati – critique d’art.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *